Dans la loi de finances 2019, le taux de croissance des revenus non pétroliers est fixé à 16%. Une projection optimiste fortement adossée sur les revenus que devaient générer les activités autour de la Coupe d’Afrique des nations au Cameroun. Avec l'éloignement de l'événement, de grosses inquiétudes pèsent sur le secteur bancaire notamment.
Le 11 décembre 2018, l'agence de notation Fitch Ratings, cité par le journal Repères, a indiqué que le retrait de la CAN 2019 au Cameroun «pourrait renforcer les pressions existantes sur le secteur bancaire du pays». Si l’analyse révisée des perspectives bancaires de Fitch Ratings admet qu’ «il est trop tôt pour déterminer si le remboursement des emprunts bancaires accordés dans le cadre du tournoi pourrait être perturbé par la décision de le jouer ailleurs», l’étude note tout de même qu’après des échanges avec des institutions financières opérant au Cameroun, même si la CAN avait été maintenue au pays, «il était peu probable que les revenus liés à la CAN se fassent au premier chef, notamment pour les gros emprunts à long terme consentis pour financer la construction des stades. Les recettes fiscales étaient plutôt destinées à soutenir le remboursement».
Une situation qui crée de grandes inquiétudes, puisqu’à en croire l’agence de notation, la capacité d'absorption des pertes dans le secteur bancaire est faible, notamment avec un ratio capitaux propres/actifs se situant autour de 8%, ce qui est largement insuffisamment compte tenu de la forte exposition aux risques.
Du coup, Fitch Ratings rappelle : «Nos perspectives avaient mis en évidence le risque que des dépréciations sur les prêts liés à la CAN, par exemple des projets de construction de stades et d'hôtels, se matérialisent vers la fin de l'année prochaine. Nous avons également signalé que les retards dans les projets pourraient causer des problèmes au secteur bancaire. Les prêts sont en cours de service, mais nos discussions avec les banques ont montré que les remboursements finaux sur plusieurs expositions s'étendent au-delà de 2019.»
S’agissant spécifiquement des prêts octroyés dans le cadre de la construction des hôtels, le remboursement n’est pas pour demain ou après-demain si l’on s’en tient aux déclarations des acteurs. En effet, selon un témoignage de la promotrice de l’hôtel Franco, Françoise Pouené, à la chaîne de télévision France 24, À l'hôtel Franco, les travaux engagés pour l'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations (CAF) de football en 2019 devaient permettre d'étendre les capacités de 72 à 180 chambres. Un investissement colossal pour la propriétaire qui ne s'est toujours pas remise de l'évincement du Cameroun.
«Je suis très déçue de savoir que cette CAN n'aura pas lieu en 2019 après tout l'engagement personnel que j'ai mis, j'ai perdu le sommeil après un investissement d’environ 9 milliards de FCFA. Certes, on ne pouvait pas amortir tout l'investissement en un mois, mais on aurait bénéficié d'avantage de visibilité au Cameroun», regrette celle qui est communément appelée «mamy nyanga».
Mais pour Fitch Ratings, cette situation était prévisible. «Notre point de vue selon lequel les indicateurs de qualité des actifs ne devraient pas s'améliorer sensiblement en 2019 reflétait déjà la faible croissance des prêts (en hausse de 3% au cours de la période de 12 mois écoulée) et l'accumulation persistante d'importants arriérés de paiements publics au secteur privé qui limite la capacité des emprunteurs à faire face à leurs dettes», fait savoir le rapport de l’agence de notation londonienne.
Otric N.