Aux avant postes des différents conflits que connaissent le Cameroun depuis 2013, le Bataillon d'Intervention Rapide est l'une des principales forces déployées dans la stratégie antiterroriste et participe au premier rideau défensif aux frontières.
Les origines du BIR
La genèse du BIR est liée aux premières heures de l'arrivée du Président Paul Biya à la tête de l'Etat du Cameroun. Après le coup d'état manqué du 6 Août 1984, la Garde Républicaine va céder la place à une nouvelle institution, la Garde Présidentielle. La conception, la formation et la mise en place de cette force est confiée au colonel Israélien Abraham Avi Sivan. Dès 1985, il va monter le corps spécialisé exclusivement en charge de la protection du Président, de la famille du Chef de l'Etat et de la présidence.
Contrairement à l'ancienne Garde Républicaine qui était placé sous le commandement de la gendarmerie, la Garde Présidentielle elle répond directement au Chef de l'Etat. Le premier commandant de la Garde Présidentielle était Titus Ebogo.
C'est en 1999 que le colonel Abraham Sivan va mettre en place le Bataillon Léger d'intervention (BLI). Ses hommes au béret vert fluor viendront répondre aux besoins d'éradication du grand banditisme ambiant. Les opérations de ce Bataillon vont mettre en déroute les "coupeurs de route" dans les régions septentrionales du pays. C'est le BLI qui deviendra quelques temps plus tard, le Bataillon d'intervention Rapide avec de nouvelles missions dans son cahier de charge.
Les missions du BIR
Le BIR se déploie actuellement sur un quadruple plan : la sécurisation de la presqu'ile de Bakassi ; la lutte contre les coupeurs de route ; il est associé au sein de chaque région militaire à la brigade d'intervention rapide ; et la sécurité présidentielle. Les missions du BIR se sont énormément étendues en dix ans. Forts de plus de 5000 hommes, d'un matériel de guerre polyvalent (terre, mer et air) et d'un entrainement adéquat, les éléments du BIR occupent à ce jour un rôle de premier plan dans la défense du territoire.
A Bakassi, c'est le BIR DELTA, un groupement du BIR, qui assure la sécurité et la protection du territoire contre les actes de piraterie, rançonnage et sabotage de tous ordres. Le BIR DELTA dispose d'un bâtiment de guerre stationné en haute mer pour la préservation des frontières maritimes camerounaises, des chaloupes et embarcations, des radars et d'un hélicoptère. Il bénéficie également du soutien de l'armée de l'air qui surveille la zone avec deux avions.
Les Forces Marines Commando, les Palmeurs de Combat et le Bataillon Spécial Amphibie aident aussi le BIR dans cette tâche. Le BIR DELTA inspire de la terreur chez les ennemis. Ses prouesses dans la lutte contre les "Bakassi Freedom Fighters" ont connu un succès retentissant. Ce qui leur a valu le surnom de "Black Ninja". Ils jouent un rôle majeur dans la sécurisation de la presqu'île de Bakassi.
Il est difficile de classer le BIR dans la hiérarchie militaire camerounaise. Avec un effectif qui approche les 6.000 commandos, le BIR n'est soumis à aucune autre autorité militaire que celle du Chef de l'Etat. C'est environ 10% des effectifs de l'ensemble de l'armée. Le BIR est une armée dans l'armée camerounaise. Elle a son propre drapeau, marqué du sceau du lion. Les tenues, les armes et tout le matériel utilisé par le bataillon provient d'Israël. Le budget de fonctionnement du BIR ne figure sur aucune ligne du budget de l'armée. Selon certaines sources, il serait financé en partie par les caisses de la société nationale des hydrocarbures (SNH).
Son recrutement est centralisé, contrairement à celui du reste des recrutements de l'armée, y compris les forces spéciales. La multiplication des unités spéciales au sein de l'armée, de la gendarmerie et de la police ces dernières années est la marque du régime du renouveau. Le renouveau militaire et sécuritaire passe par la création d'unités spéciales directement pilotées depuis la présidence ; ce qui constitue une défiance vis-à-vis de l'armée régulière. En effet, le suréquipement (selon le contexte local) du BIR contraste avec celui de l'armée régulière.
Les victoires que le BIR remporte contribuent à en faire l'armée sur qui le Chef de l'Etat peut compter. La flexibilité de son commandement contribue à son efficacité opérationnelle. Lors de l'attaque de la banque Ecobank à Douala, tandis que les forces armées régulières tentaient d'avoir le MINDEF pour avoir l'autorisation de faire décoller un hélicoptère de combat, le BIR était déjà à la poursuite des criminels. D'après le Comandant de la région militaire du littoral, le BIR aurait intercepté ces braqueurs au niveau des berges de Bakassi et aurait fait seize morts parmi les assaillants. Si l'efficacité opérationnelle du BIR en tant que forces spéciales ne peut être remise en cause, son efficacité stratégique en revanche peut être questionnée, en termes de fragilisation de la défense camerounaise.
Le BIR était aux avant postes de la lutte contre Boko Haram. Contrairement à l'armée régulière qui s'est vu en difficulté devant l'ennemi du fait de l'armement inadapté en sa possession, l'entrée en scène des forces du BIR ont rapidement fait pencher la balance en faveur du Cameroun. Déjà en 2008, au cœur des émeutes de la faim, le Chef de l'Etat va faire appel au BIR pour sécuriser la capitale et mettre fin en moins de 24h aux exactions qui étaient perpétrés dans la ville. On retrouvera une fois de plus le BIR dans les opérations antiterrorismes commandés par le Chef de l'Etat.
Après le décès dans un crash d'hélicoptère à 15km de Yaoundé, du premier commandant du BIR, Abraham Sivan, le 22 novembre 2010, c'est son homologue israélien, Mayer Heres qui dirige le bataillon jusqu'à ce jour. Il vit au quartier général du BIR dans une villa huppée au quartier Bastos à Yaoundé.
Les privilèges accordés au BIR est une source de mécontentement dans les rangs des autres corps de l'armée qui ne bénéficient pas des mêmes dotations en armements de pointe. Mais la discipline militaire oblige les différents corps à partager les renseignements et collaborer dans les déploiements tactiques. La question qui se pose dans les couloirs et dans certains salons est celle de savoir si le BIR va survivre au règne de l'actuel chef de l'État.
Stéphane Nzesseu