Dieudonné Essomba a répertorié six thèses qui vont de la rotation tribale du pouvoir à la théorie prophétique.
La question de la succession au sommet de l’Etat, remis à l’ordre du jour par Maurice Kamto le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) continue d’alimenter les débats au Cameroun. L’économiste Dieudonné Essomba dans une publication faite sur sa page Facebook revient sur ce sujet. Il évoque six thèses qui s’opposent sur ladite question. Ces thèses sont la théorie de la rotation tribale, la théorie de l’apaisement des anglophones, la théorie du ping pong, la théorie de la rétention du pouvoir, la théorie de l’arbitrage et la théorie prophétique.
L’habitué du plateau du programme “Club d’élites”, fait remarquer que toutes les théories suscitées ont un point commun. Elles montrent que le poste de Président de la République représente un enjeu communautaire fondamental. Dieudonné Essomba dans sa publication, pense au finish, qu’au lieu de passer le temps à élaborer les théories comme celles suscitées, il faut plutôt travailler pour obtenir un pouvoir d’Etat assaini.
Retrouvez l’analyse intégrale de Dieudonné Essomba ci-dessous.
“La tribu du président de la République
Chaque fois qu’on parle de la succession de Biya apparaissent immédiatement les préoccupations sur la Communauté d’où sera issu le prochain Président. Des thèses s’affrontent de manière plus ou moins ouverte, parmi lesquelles :
- LA THEORIE DE LA ROTATION TRIBALE, qui veut qu’après Ahidjo-le-Fulbé suivi de Biya-l’Ekang il faut un autre venant d’une autre Communauté. Cette théorie est assez généralisée, même si elle s’exprime de manière plus impatiente chez les partisans de Kamto ;
- LA THEORIE DU PING-PONG, qui veut que Biya passe le pouvoir à un Nordiste, de préférence Fulbé, comme Ahidjo lui avait passé le pouvoir ;
- LA THEORIE DE L’APAISEMENT DES ANGLOPHONES, qui veut que le successeur de Biya soit un Anglophone, car les 60 ans de pouvoir francophone ont développé des frustrations qui sont au moins en partie responsables du mouvement sécessionniste.
- LA THEORIE DE LA RETENTION DU POUVOIR, dans laquelle les Ekang qui sont au pouvoir vont tenter de manipuler les institutions de manière à imposer un autre Ekang.
- LA THEORIE DE L’ARBITRAGE, sur laquelle se fondent les minorités qui espèrent pouvoir être choisies si jamais n’il y a un blocage entre les grands groupes ethniques
- LA THEORIE PROPHETIQUE, où certains s’appuient sur des prophéties diverses (Ngodgmo, Um Nyobé, etc.) pour lire celui qui sera Chef d’Etat.
Toutes ces théories montrent une chose : le poste de Président de la République représente un enjeu communautaire fondamental, puisque chaque Communauté y trouve le moyen d’assouvir sa demande sociale de manière préférentielle.
Il en découle que la conquête ou la rétention de ce poste devient une donnée intrinsèquement dangereuse et violente, à un niveau que ne perçoivent pas nécessairement ceux qui y prétendent. On peut y laisser sa vie et souvent, on peut être obligé d’ôter la vie aux autres pour y rester.
C’est une situation extrêmement explosive dont ne peut s’accommoder un peuple intelligent. Il doit tout mettre en œuvre pour la désamorcer, et pour cela, la démarche est simple : purger le poste de Président de la République de sa monstrueuse séduction qui est liée à son contrôle exclusif des 5.000 Milliards du budget et des postes de décision dans l’Etat.
Pour cela, la première mesure est de limiter le contrôle des ressources par le Chef de l’Etat à la moitié des 5.000 Milliards, l‘autre moitié étant contrôlée par les Etats Régionaux. En second lieu, les attributions conférées au Président de la République sont configurées de manière à ne pouvoir bénéficier de manière sélective à une Communauté particulière. Les actes qu’il pose ont donc, par leur nature même, une vocation exclusivement nationale. Par exemple, si le Cameroun a un réseau électrique interconnecté, le Président de la République pourra construire un barrage qui approvisionne ce réseau, car l’électricité produite est mise à la disposition de tout le monde au même instant.
A contrario, il ne pourrait s’occuper de la création des Universités, ou du bitumage des routes régionales, puisque cela lui donnerait la possibilité de le faire de manière préférentiellement chez lui.
La conscience que l’origine du Chef de l’Etat ne donne aucun privilège particulier à sa Communauté videra la Présidence de cette séduction démoniaque porteuse de guerres de pouvoir. Inversement, personne ne ressentira aucune inquiétude si telle ou telle autre Communauté fournit le Président de la République. Plutôt donc que d’élaborer des théories tout en aiguisant les machettes pour s’approprier le pouvoir ou le confisquer, il est plus intelligent d’avoir un pouvoir d’Etat assaini, débarrassé de ces dangereux enjeux communautaires”.
Liliane N.