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Opinion : Dieudonné Essomba analyse la situation du « Kamerun »

lundi, 25 mars 2019 07:56 Bossis Ebo'o

« Le Cameroun va à la confédération, hélas ! »

 

Les Nations-Unies, comme d’habitude, ont laissé entendre qu’elles peuvent intervenir au Cameroun au sujet de la crise anglophone. Ce discours sibyllins traduit une rupture fondamentale et met surtout en évidence les risques d’une gestion fondée sur les principes rigides, l’entêtement et le tout sécuritaire.

 

L’ONU va venir au Cameroun, et ce n’est certainement pas pour combattre les Sécessionnistes au profit du gouvernement, Mais pour s’interposer et imposer les conditions d’une négociation entre deux camps ennemis !

 

Deux camps ennemis ! Autrement dit, deux groupes armés dotés de la même légitimité et à qui il faut imposer la paix, de gré ou de force. Hélas ! Le Gouvernement a réussi à transformer un mouvement larvaire en une Armée rebelle à qui la Communauté internationale attribue maintenant une légitimité analogue à celle de l’Armée Nationale Camerounaise !

En moins de deux ans !

 

Je ne sais pas comment sont nos dirigeants ! Du haut de leurs postes, ils n’écoutent personne ! Bien pire, ils assimilent toute analyse objective qui pourrait guider une action publique intelligente en un acte d’antipatriotisme !

Quelqu’un vous dit que si vous buvez cette source, vous aurez le choléra, et au lieu de l’écouter pour au moins bouillir l’eau, vous l’accusez de vouloir votre mort ! Et quand maintenant vous êtes malade, au lieu de vos en prendre à votre entêtement, vous l’accusez de vous avoir jeté un mauvais sort !

C’est exactement cela nos dirigeants !

 

Pourtant, il suffisant d’une simple analyse pour comprendre ce qu’il fallait faire avec le problème anglophone dès le départ, en partant d’un certain nombre de principes :

 

  1. Il n’existe aucun cas dans l’Humanité où on ait maintenu de force une communauté représentant 20% d’une population dans les liens d’un Etat unitaire. Les raisons sont économiques : c’est comme si vous aviez 5 frères dont l’un veut quitter le groupe. Au lieu de l’amadouer en négociant avec lui un fonctionnement qui lui permet de rester dans le groupe, vous le ligotez et vous commettez un autre frère à sa surveillance. 

Conséquence, vous vous retrouvez avec seulement 3 frères qui doivent nourrir les 5, ce qui est insupportable. Pour le cas anglophone, cela signifie que la démarche de contrainte exerce une contrainte économique qui ne laisse les capacités utiles du Cameroun qu’à 60% de ses capacités.

Il n’existe donc aucun mécanisme humain qui peut conduire à maintenir de force les Anglophones dans les liens d’un Etat unitaire. En poursuivant dans cette voie sans issue, le Gouvernement conduit l’Etat du Cameroun à la perdition. Les pays les plus solides du monde, puissamment industrialisés et qui fabriquent les armes, comme la France avec la corse, la Grande-Bretagne avec l’Irlande du Nord, la Russie de Poutine avec la petite Tchétchénie, et la grande Chine avec le Tibet ont rampé à genoux devant les Sécessions et n’ont eu leur salut qu’en leur accordant un statut fédéral. 

Comment a-t-on pu croire qu’un petit pays, aussi pauvre et sous ajustement comme le Cameroun pouvait se payer le luxe d’une Sécession représentant 20% de sa population !

C’est hallucinant d’irresponsabilité!

 

  1. Les Anglophones étaient venus sous l’égide des Nations-Unies. Ils ne faisaient pas partie du Cameroun francophone au moment de l’Indépendance. Ils ont eu leur indépendance plus tard, et cela compte dans leur statu au moins symbolique ! C’est une région qui aurait pu être un Etat, et cela n’aurait jamais été contesté. Mais l’ONU a décidé de les rattacher, soit au Nigéria, soit au Cameroun. Le Southerns Cameroon a accepté le Cameroun sous forme fédérale. Tout cela se passait sous l’autorité de l’ONU.

Comment a-t-on pu croire un seul instant que l’ONU pouvait laisser passer cette situation sans intervenir rapidement, alors même que sa responsabilité dans cette situation était engagée ? Déjà, sans cette responsabilité, elle intervient sans demander l’avis des protagonistes. Elle l’a fait par exemple au Soudan et a piloté la sécession du Sud-Soudan. Comment a-t-on pu imaginer un instant qu’elle allait rester insensible à cette situation dont elle se sentait elle-même responsable ? 

C’était un non-sens absolu !

 

  1. Enfin, les Anglophones constituent une communauté spécifique marquée par des référents coloniaux différents du reste comme la langue et des modes d’organisation fondés sur l’Indirect Rule. Comment a-ton pensé qu’en bricolant une sorte de syncrétisme fortement mâtiné de jacobinisme français, on pouvait faire avaler cette pilule à cette Communauté, simplement parce qu’on a affirmé le bilinguisme ?

Peut-être que l’objectif de l’Etat unitaire était très beau, mais la valeur d’un projet ne se limite pas à ses objectifs, aussi beaux soient-ils, mais tient aussi et surtout d’ailleurs de sa faisabilité opérationnelle. Du point de vue anthropologique, le projet n’était pas faisable.

 

Malheureusement, le Gouvernement est resté aveuglé par son dogme d’Etat unitaire et ses « unité nationale », perdant ainsi toutes les belles occasions qui se sont présentés à lui pour mettre fin à cette dynamique infernale.

En 1991, lors de la Tripartite, deux groupes s’étaient violemment opposés : les partisans de l’Etat unitaire avec un pouvoir fort et centralisé, et les partisans d’un Etat Fédéral. Pour couper la poire en deux, la Tripartite avait opté pour un Etat unitaire décentralisé. La formule fut adoptée dans la Constitution de 1996.

L’écrasante majorité de la population camerounaise apprécia cette solution, soit pour des motifs idéologiques de préférence d’un Etat unique tut en donnant aux Régions une autonomes, soit pour des raisons tactiques, dans le but d’essayer la décentralisation avant d’envisager plus tard une éventuelle fédération.

Malheureusement, avec ses atermoiements, ses diversions, le Gouvernement se comportera comme s’il ne l’avait accepté que pour gagner du temps. Au point où, il finira par agacer même les Anglophones les mieux disposés à son égard, amplifiant par le fait même la séduction à la fédéralisation immédiate.

Et il aggravera la situation en étouffant par la violence le mouvement fédéraliste, autrement dit, des Camerounais qui aiment leur pays, mais demandent qu’on change de modèle.

Erreur tragique qui nourrira le Monstre Absolu, l’Immonde Sécession ! Ce mouvement déjà très vieux, mais qui avait vécu jusque-là de manière larvaire y trouvera un terrain propice pour se développer et imposer sa légitimité non seulement aux populations anglophones, mais sur le plan international.

Aux Fédéralistes qui négociaient dans les institutions et craignaient l’Etat, l’action du Gouvernement a suscité et amplifié des Sécessionnistes qui ont déclaré l’Etat hors la loi, comme puissance occupante et qu’ils combattent par le feu et le sang.

L’expérience de l’Armée camerounaise très aguerrie, les arrestations, les extraditions des Chefs politiques et les descentes des élites locales ont nourri quelques espérances, mais loin de s’apaiser, la Sécession a plutôt tendance à se cancériser, multipliant des métastases sous forme de groupes armés plus ou moins politisés et en tout cas, incontrôlables.

Un tabou a été brisé, un mythe est tombé : l’Etat que les dirigeants avaient cru invincible se retrouve incapable de neutraliser une Sécession qui est en train de le détruire publiquement, ouvertement, sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit, réduit à des dénonciations impuissantes pendant que les rebelles font régner leur loi!

Quel était le besoin d’aller éprouver l’Etat dans un tel bourbier ? Une Sécession ? 

C’est vraiment terrible !

Maintenant, les Nations vont venir ! C’était également prévisible. Mais ce ne sera pas pour prendre le côté du Gouvernement, mais pour écouter deux parties : le Gouvernement, assimilé au Cameroun Francophone, et les Forces Sécessionnistes, assimilées aux Anglophones.

Et qu’on ne se fasse aucune illusion. L’élite anglophone civile sur laquelle le Gouvernement ou des Francophones comptent n’aura pas grand-chose à dire, car ce n’est pas elle qui est armée, et donc, ce n’est pas elle qui crée les problèmes. Ce sont des chefs militaires et politiques de la Sécession, car c’est eux qui ont un pouvoir de nuisance qu’’ils prouvent chaque jour et qui, de ce fait même, s’imposent de plus en plus à l’imaginaire des populations anglophones comme des vrais défenseurs, car eux ne pleurnichent pas comme les Fédéralistes, mais agissent et font mal.

L’ONU sera donc là. Elle n’acceptera pas la Sécession anglophone, mais elle n’acceptera non plus l’Etat unitaire du Gouvernement. Elle ne pourra que demander le retour à a Fédération de 1961 comme base de discussion, puisque c’est la seule forme institutionnelle du Cameroun qu’elle connaît. Les autres évolutions ultérieures ne l’intéresseront pas, c e d’autant plus que ce sont es évolutions qui sont à la source des contestations.

Les négociations se feront donc sur la base de la Fédération de 1961, dont les termes seront revus. Ce qui signifie en clair qu’on va vers une Confédération à deux Etats, avec tout ce que cela implique des droits symétriques :

 

  1. Le pouvoir de Yaoundé n’aura plus la mainmise sur la Zone anglophone et limitera à l’action diplomatique, encore que les Anglophones auront le droit de créer des consulats ;
  2. Les ressources seront partagées entre les deux Etats et Yaoundé ne contrôlera plus entièrement le pétrole et les autres ressources de cette Zone
  3. Le pouvoir d’Etat sera partagé. On se retrouvera avec une rotation au sommet de l’Etat, l’insertion des rebelles dans l’armée avec leurs grades respectifs, le partage des postes avec une armée composée de 40% d’Anglophones et 60% de Francophones, ainsi que d’autres formes de partage analogues.

 

Voilà en clair ce qui attend le Cameroun. C’est comme au football que nous voyons maintenant au Mondial. Quand une équipe perd toutes ses occasions, l’équipe adverse finit par renverser la vapeur.

Et c’est exactement cela qu’on vit : si les Nations Nations-Unies mettent pied au Cameroun, nous allons immédiatement à la Confédération.

Il nous reste encore peu une espérance : que Dieu éclaire l’esprit des gens qui nous commandent et qu’ils proclament immédiatement la Fédération à 10 Etats.

Pour la dernière fois, il faut proclamer la Fédération Camerounaise en 10 Etats et il faut le faire immédiatement !

Malheur à nous si l’ONU met ses pieds sans que le Cameroun soit déjà fédéral ! Nous serons perdus !

 

 

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