Camerounais et camerounaises, mes chers compatriotes,
Les libertés fondamentales et les droits fondamentaux sont à rude épreuve. Et cela n’est pas nouveau au Cameroun. Depuis les frissons qui ont émaillé le retour à la démocratie, puis entre autres, la germination du SDF dans une mare de sang, les émeutes de 2008, jusqu’à la forfaiture électorale de 2018, les tenants du pouvoir en s’appuyant sur les lois taillées sur mesure en 1990, n’ont eu de cesse de museler, d’embastiller, d’intimider, de réprimer l’expression des libertés, au point parfois de donner la mort.
Afin d’éviter qu’apparaissent au grand jour son illégitimité et son impopularité criardes, le Gouvernement a toujours usé de tous les moyens, y compris de violences physiques pour réprimer l’élan citoyen. Les images des blessures infligées aux manifestants, les chroniques des arrestations de leaders politiques, qui ont eux aussi décidé de braver au nom de leur droit constitutionnel, des interdictions administratives, font le tour du monde.
Nous condamnons, comme cela est constant, ces restrictions d’un autre âge, ces pratiques autoritaristes. C’est le lieu de rappeler que la compression des libertés est ce qui entraîne des dérives sociales, engendre toutes formes de radicalismes et de conflits sociaux, érode les fondements de la cohésion nationale.
L’impératif d’une société apaisée, commande l’avènement d’un cadre démocratique qui obéit aux standards internationaux auxquels le Cameroun a par ailleurs librement consentis (CADEG). La révolte du citoyen déboussolé et désespéré ne légitimera jamais la violence d’un État qui méprise les droits basiques des citoyens qu’il doit protéger, encadrer, éduquer, soigner… Le monopole de la violence légitime qui incombe à l’Etat ne se résume pas à la répression barbare.
La récurrence des soulèvements populaires qui laissent résonner les cris de détresse jusqu’ici silencieux, questionne, au-delà de la parure de légalité, la légitimité de l’ordre gouvernant camerounais. C’est désormais évident, en haut on ne peut plus. En bas on n’en veut plus. Les différents malaises sociaux du Nord au NO/SO l’attestent. Et cet état de choses devrait mettre un terme à l'indifférence et au mépris qui ont jusqu'ici caractérisé la gouvernance du Président proclamé élu. En tout état de cause, le peuple martyrisé finira tôt ou tard, par avoir raison de l’oppresseur.
Toutefois, le saccage, le pillage des biens et édifices publics à l’étranger, par des camerounais, sont injustifiés et inconséquents. Cela ne peut que conduire à la légitimation du durcissement autoritariste et par-delà, cela donne prétexte à la légitimation et à la consolidation du régime gouvernant. En dehors des dégâts matériels dont la réparation sera une fois de plus supportée par nos impôts, avec sûrement à la clé des marchés de gré à gré octroyés aux copains avec les surfacturations devenues banales, des compatriotes et des étrangers qui avaient des diplômes, des dossiers de visa en cours, des documents d'état-civil à se faire établir, subissent un préjudice énorme en ce moment, d'autres risqueraient de se trouver en situation irrégulière à cause de ces excès. Il n’est pas question de répondre à la haine et à la dictature larvées de l’ordre gouvernant, par la haine ou d’autres formes de dictatures. La nouvelle république à laquelle nous aspirons se veut exempte de ces dérives. Nous condamnons de tels débordements qui créent plus de problèmes qu'ils n'en résolvent.
Mes chers compatriotes,
la situation que vit notre pays est suffisamment grave pour que nous continuions à vaquer sereinement à nos occupations en signant un chèque en blanc à des dirigeants incompétents, méchants et corrompus. A côté de la crise anglophone, d’autres crises s’amoncellent. Ceux qui incarnent l’autorité de l’Etat n'en tirent aucune leçon. Mais le Cameroun est un bien commun que nous allons léguer à nos enfants. Nous ne pouvons pas le laisser détruire sous nos yeux.
De ce fait, au nom du Mouvement 11 millions de citoyens, j'appelle :
1- À l'intensification des inscriptions sur les listes électorales pour franchir la barre des 11 millions d'inscrits. La voie insurrectionnelle me semble trop porteuse d’incertitudes pour être érigée à priori comme principale stratégie d'alternance. Atteignons grâce aux inscriptions sur les listes électorales la masse critique des potentiels électeurs capables de changer le cours des événements dans notre pays. Des exemples dans d'autres pays africains nous ont bien démontré que l'alternance est possible même dans la préservation des acquis ;
2- À la convocation dans les brefs délais d'un Grand Débat National qui réunira toutes les composantes et les forces vives de la Nation afin de débattre des problématiques urgentes. C'est le seul cadre de dialogue inclusif possible, nos chambres parlementaires étant vidées pour le moment, de l'essentiel de leur substance et de leurs pouvoirs. Ce grand moment de discussion nationale débouchera entre autres, sur la normalisation démocratique et l'élaboration commune d'un calendrier visant l'organisation des élections libres, équitables et transparentes dans des délais raisonnables.
3- Toutes les parties en conflit au NO/SO à déposer les armes et à s'asseoir autour d’une table de négociation et à rediscuter les termes de notre vivre ensemble. La paix n'a pas de prix et la guerre n'a pas d'issues.
4- À la libération de tous les manifestants pacifiques et des leaders politiques arrêtés sur toute l'étendue du territoire Camerounais. Aux manifestants pacifiques et leaders incarcérés, j'adresse toute ma compassion et mes encouragements. Je réitère mon offre de mutualisation des forces et atouts divers, bien avant l'approche des échéances électorales. Par extension, je réitère mon appel à la libération de tous les détenus de la crise anglophone, afin d'ouvrir un dialogue inclusif, la seule solution pour le retour à la paix.
5- La diaspora à s’impliquer davantage dans toutes dynamiques de changement, tout en faisant preuve de responsabilité et de retenue. Les violences sur les personnes et les biens sont contre-productives pour la cohésion sociale et aucun de nous n'a intérêt à ce que ça dégénère. Les vies humaines sont sacrées, préservons-les, autant que cela dépend de nous.
6- Tous mes compatriotes et forces vives de la nation, à l'Union nationale. La progression galopante du clanisme, du tribalisme, du communautarisme, des replis identitaires est une injure pour la mémoire de nos pères qui nonobstant ces détails, se sont sacrifiés pour que nous soyons là aujourd'hui. Tenez en horreur tous ces poisons du vivre ensemble.
Que le peuple reste attentif et éveillé et ne se détourne pas du combat de fond. Que les erreurs de certains ne poussent pas beaucoup à oublier la misère collective que produit le régime actuel... Il y a lieu de rester debout pour l’avènement d'un Cameroun Nouveau, différent de l'ancien, qui saura protéger tous ses enfants et libérer les énergies de tous.
Que Dieu bénisse le Cameroun.
Transcrit par Stéphane Nzesseu