"La décision de la CAF est incompréhensible. Cette décision est inacceptable. En 7 mois, le Cameroun aurait pu pu terminer ses travaux. Il y a eu des réunions secrètes pour que cette CAN soit retirée à ce pays. Cette décision est illégitime"
Cette déclaration de Claude Le Roy, entraîneur de football international, confirme les pire craintes d'Abdouram Hamadou Baba qui, il y a un an tirait déjà la sonnette d'alarme après la décision unilatérale de la CAF de porter le nombre d'équipes participantes à la CAN 2019 de 16 à 24. Il écrivait alors: "Je tiens à vous informer que face au caractère brutal et arbitraire de la décision du Comité exécutif de la CAF du 20 juillet 2017 qui a porté unilatéralement de 16 à 24 le nombre d'équipes participantes à la phase finale de la CAN 2019, compte tenu des conséquences multiformes de cette décision et qui sont susceptibles à terme de donner des motifs à la CAF de dessaisir le Cameroun de l'organisation de cette CAN tant rêvée depuis de très longues années...."
Ces propos ne font qu'accentuer l'indécence et le manque de dignité observés depuis hier, 30 novembre 2018, chez nombre de Camerounais, habités par la haine de soi, si bien cultivée dans cette jeunesse postcoloniale nourrie aux idéologies postmodernes qui imposent à l’Afrique une vision pénitentielle du monde. C’est cette vision pénitentielle qui projette de l’Afrique non l’image d’un peuple altier, libéré des chaînes de l’esclavage, ni celle d’un continent héroïque, debout pour affirmer sa dignité, mais l’image d’un continent couché, souillé de merde : un « moche merdier » (Achille Mbembe) ; « pays de merde » (Donald Trump).
Les Africains qui reprennent ces images scatologiques ne se rendent pas compte à quel point ils souffrent du complexe proche de l’oblativité et du masochisme dont parlait Frantz Fanon.
Le sujet postcolonial est convaincu que si l’Afrique souffre, « c’est uniquement par la faute de ses enfants » (Etounga Manguelé), confirmant ainsi l’hideux propos de Voltaire qui affirmait : « Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres. On nous reproche ce commerce : un peuple qui trafique ses propres enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce commerce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître est né pour en avoir un ».
Le phénomène consistant à convaincre une victime qu’elle est l’unique responsable de ses malheurs est peu commun dans l’histoire de l’humanité. Il est étonnant que ce phénomène se soit installé avec une telle facilité dans l’esprit des jeunes générations africaines.
Les élites postcoloniales reprochent à ceux des leurs qui se dressent contre les oppresseurs du continent de céder à la victimisation. Mais comment peut-on obliger un peuple opprimé à accepter qu’il est responsable de l’oppression qui pèse sur lui ou encore à justifier l’injustice dont il est victime ? En dehors de l’Afrique, cette conduite n’a probablement jamais été observée ailleurs, même lorsqu'il est arrivé aux membres de certaines communautés de céder à la collaboration avec les oppresseurs. Prenons le cas emblématique de la France avec ses infâmes Pétain et Laval, ceux-là mêmes qui priaient l’occupant nazi d'établir un leadership européen et mondial, et qui, ignominie suprême, osèrent livrer les enfants de la patrie aux flammes des fours crématoires des bourreaux et aux usines de guerre de ces derniers. Essayons de faire abstraction de la résistance héroïque d’un personnage isolé et condamné à mort comme Charles de Gaule et osons appliquer à cette France à genoux et humiliée la célèbre maxime des élites postcoloniales : le pays ne souffre que « par la faute de ses propres enfants ».
C’est l’oblativité et le masochisme qui poussent aujourd’hui quelques frustrés de mon pays à sombrer dans l’indignité suprême en accablant leur propre pays et en jetant l’opprobre sur ses dirigeants, au lieu de se dresser héroïquement contre les auteurs de l’injustice dont la nation est victime.
Mesquins masochistes, enclins à la félonie et à l’autoflagellation, pourquoi les peccadilles de vos dirigeants vous semblent-elles si impardonnables tandis qu’aux véritables bourreaux de vos pays, vous êtes si prompts à pardonner même les pires offenses et crimes ?
Reconnaissons donc que l’acte du mesquin Ahmad Ahmad est tellement grave qu’il ne mérite aucune excuse, pas même le « hold up » dans une élection dont on sait intimement qu’elle n’était pas gagnable dans la configuration sociale et politique actuelles, sauf à orchestrer un putsch, selon le désir secret de nombre de pléonexes.
Je n’ai rien à dire aux étrangers dont le ressentiment personnel à l'égard de M. Issa Hayatou est connu depuis des années. Mais on peut légitimement accuser d’infamie les compatriotes d’Hayatou qui soutiennent les forces hostiles. Je n’ai rien dire à ceux-là qui ne rêvaient que de vengeance ; d’eux on ne pouvait s’attendre à aucune mansuétude. Par contre, ceux des nôtres qui se réjouissent stupidement de cette vengeance malsaine et qui la justifient méritent le seul qualificatif qui vaille et qui décrit le mieux leur pitoyable condition : sots.
Sots, nos Pétain et Laval nationaux justifiant l’ignoble acte et couvrant de lauriers son auteur mesquin ! Sots, les félons qui jettent l’opprobre sur la patrie tout en sanctifiant l’offense qui lui est faite ! Sots, les crétins naïfs qui pensent se grandir à mesure qu’ils traînent dans la boue les institutions de leur pays !
Conspirer avec l’ennemi extérieur est loin de constituer un acte héroïque : c’est la pire des infamies, même lorsque cela participe d’une logique politique qui n’échappe qu’aux naïfs. Car, immédiatement après l’échec à la dernière élection présidentielle, les forces timocratiques du pays qui avaient tenté de mettre la main sur l’appareil d’Etat, avec l’appui de leurs relais extérieurs, avaient juré de pourrir le présent septennat et d’avoir le vainqueur à l’usure : la partie est lancée. Cette partie se joue avec les relais tapis au cœur même du système. Voilà pourquoi il faut nettoyer au karcher !
Nkolo Foé