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Déviance morale : Lorsque les lieux de deuil deviennent des cadres de divertissement

mercredi, 20 novembre 2019 08:32 Nicole Ricci Minyem

Après avoir intégré dans les mentalités qu’il existe désormais des associations de pleureuses professionnelles, qui sont aptes à faire autant de bruits que nécessaires selon l’épaisseur de l’enveloppe qui leur a été proposée, l’on rencontre de plus en plus « des jouissifs ».

 

Une appellation donnée à ces groupuscules d’individus qui arrivent dans les lieux de deuils et, alors que l’heure est au recueillement, à la prière et à la lamentation parce qu’on se sépare d’un être cher, ils se mettent en petits comités, parlent et rient aux éclats, lançant des blagues de mauvais goût et, certains vont jusqu’à menacer ceux qui  osent les appeler à plus de retenue et de décence.

Comme cela a été le cas, lors des obsèques d’un patriarche dans un village du Nyong et Kelle samedi dernier. Ils étaient trois hommes et deux femmes, arrivés le jour de l’enterrement. Alors que le culte était en cours, ils n’ont eu de cesse de parler et de rire très haut. On a tenté en vain de les ramener à plus de retenue, c’était peine perdue : «  Vous n’avez rien à nous dire. Nous faisons ce que nous voulons et si cela vous gêne, allez vous faire f… ».

Des termes indécents qui ont amené le célébrant à les interpeller et, à ce moment, la situation est devenue plus grave. Et, alors qu’ils n’étaient là que pour « soutenir » les  enfants du défunt, ils ont offert un spectacle des plus désolants.  

Ils se recrutent parmi les « intellectuels »

Il n’est pas question ici de stigmatiser qui que ce soit mais, dans l’entendement populaire, ce sont des personnes n’ayant pas été loin dans les études, qui n’ont pratiquement reçu aucune instruction qui sont plus portées vers ce type de comportement, mais que non.

L’histoire relatée plus haut n’est pas un cas à part. Alors qu’on essayait de les calmer, ils ont laissé entendre qu’ils sont nantis de plusieurs diplômes de l’enseignement supérieur.

Ce sont les « personnes bien comme il faut », qui s’adonnent à ce genre de comportement, comme le relève Valère Protais Edima, sociologue : « C’est un phénomène qui existe depuis longtemps, mais qui a pris plus d’ampleur depuis pratiquement trois, quatre voire cinq ans au plus. Et, l’on avait souvent pensé que cela dépend des relations que le défunt entretenait avec les membres de sa famille, mais non, ce n’est pas le cas ou pas seulement. Ce sont des jeunes gens (Hommes et Femmes) qui sans aucune retenue, se comportent dans les lieux de deuils comme s’ils étaient à une fête… C’est pendant qu’on est en plein dans  le recueillement qu’ils bavardent à tue tête, lancent des éclats de rire, se font des boutades, bref, ils démontrent que bien que présents, la douleur de la famille ne les concerne nullement… ».    

Le spécialiste affirme que ces personnes semblent être atteintes de la Schadenfreude (se réjouir du malheur des autres) : « C’est peut être exagéré mais, oui, le comportement de ces jouissifs peut s’apparenter à cette maladie. Ce n’est peut être pas fait consciemment mais, mais cela s’y apparente. C’est dans les pays européens que des comportements comme ceux là interpellent mais ici chez nous, personne ne s’y attarde réellement. Vous savez, à lire ce qui se passe aujourd’hui, dans notre pays, on se rend compte que nombreux sont ceux qui ont perdu le sens de certaines valeurs morales. Ce qui était sacré est devenu anodin et cela n’émeut plus personne…Et ce sont les personnes qui sont sensées montrer le chemin, ce sont ceux qui semblent avoir des aptitudes intellectuelles qui affichent tous ces comportement déviants et, c’est regrettable pour notre pays…».

Comment y remédier ?

Lazare Mveng, anthropologue à l’Université de Yaoundé I, laisse entendre : « Comment penser qu’un primate soit capable de changer ce qui fait l’essence même de son existence ? Dans les pays dits développés, une prise de conscience et un suivi psychologique  sont envisageables mais dans les pays sous développés ou en voie de développement comme le Cameroun, la prise de conscience n’est malheureusement pas pour demain ».

Vivement que soit remis dans les systèmes scolaires les cours d’Education Civique et Morale, en plus des valeurs que chaque parent se doit d’inculquer à son enfant car, c’est le meilleur héritage.

 

Nicole Ricci Minyem

 

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