L’ex président tchadien est décédé ce jour à l'âge de 79 ans , alors qu’il était toujours détenu dans une maison d’arrêt au Sénégal depuis sa condamnation à perpétuité pour crimes de guerres, crimes contre l’humanité et actes de tortures.
La triste nouvelle, communiquée par l’administration pénitentiaire du Sénégal a fait le tour des médias, tant nationaux qu’internationaux, revenant pour certains sur la vie de l’homme d’Etat qui a dirigé le Tchad entre 1982 et 1990.
L'information a été confirmée par le ministre sénégalais de la Justice, Malick Sall: " Hissène Habré a été remis entre les mains de son Seigneur" et bien qu’aucune publication ne vient corroborer certaines déclarations, les journalistes déclarent que l’ancien Président de la République du Tchad “a succombé au Covid-19”.
Qui était Hissène Habré ?
"Combattant du désert'', "homme des maquis", "chef de guerre" : les qualificatifs abondent pour exalter les qualités militaires de Hissène Habré du temps de sa superbe.
Son parcours dans les années 1970 et 1980 s'inscrit dans l'histoire agitée du Tchad indépendant dont il a été le troisième président.
Né en 1942 à Faya-Largeau, dans le nord du pays, il grandit dans le désert du Djourab, au milieu de bergers nomades. Intelligent, il est remarqué par ses maîtres.
Devenu sous-préfet, il part étudier en France en 1963, à l'Institut des hautes études d'Outre-mer. Il étudie ensuite le droit à Paris, y fréquente l'Institut d'études politiques et fait son éducation politique en dévorant Frantz Fanon, Ernesto "Che" Guevara, Raymond Aron.
De retour au Tchad en 1971, il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), dont il prend la tête, avant de fonder, avec un autre nordiste, Goukouni Weddeye, le conseil des Forces armées du Nord (Fan).
À partir de 1974, il se fait connaître à l'étranger en retenant en otage – durant trois ans – l'ethnologue française Françoise Claustre, obligeant la France à négocier avec la rébellion.
Il sera ensuite Premier ministre du président Félix Malloum, avec qui il rompra, puis ministre de la Défense de Goukouni Weddeye, président du gouvernement d'union nationale créé en 1979.
Soutenu par Paris et Washington face à Kadhafi
Nationaliste convaincu et farouchement opposé au dirigeant libyen de l'époque Mouammar Kadhafi, qui a les sympathies de Weddeye, il rompt peu après avec son ancien allié, déclenchant une guerre civile à N'Djamena, qu'il doit évacuer fin 1980.
À partir de l'est du Tchad, où il a repris le maquis, il combat Goukouni Weddeye soutenu par Tripoli, pour rentrer victorieusement à N'Djamena en 1982.
Son régime, soutenu face à Kadhafi par la France et les États-Unis, va durer huit ans.
Cette période est marquée par une terrible répression : les opposants – réels ou supposés – sont arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS, police politique), torturés, souvent exécutés.
Une commission d'enquête va estimer à plus de 40 000, le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées sous son règne, dont 4 000 identifiées nommément.
En décembre 1990, Hissène Habré quitte précipitamment N'Djamena, fuyant l'attaque éclair des rebelles d'Idriss Déby Itno, un de ses généraux qui a fait défection 18 mois plus tôt et a envahi le pays depuis le Soudan. Chassé du pouvoir, il trouve refuge à Dakar pour un exil qui sera paisible pendant plus de vingt ans.
Au Sénégal, il troque treillis et casquette kaki pour un grand boubou et un calot blanc. Musulman pratiquant, il se fait apprécier de ses voisins, avec lesquels il prie lors des fêtes religieuses, se montre aussi discret que généreux, participant à la construction de mosquées ou au financement du club de foot…
Jugé par un tribunal spécial
En 2011, quand le président sénégalais Abdoulaye Wade, sous pression, crée la surprise en voulant l'expulser, des habitants du quartier de Ouakam manifestent leur soutien à Hissène Habré, soulignant qu'il a une femme et des enfants sénégalais.
Il est finalement arrêté le 30 juin 2013 à Dakar puis inculpé par un tribunal spécial créé en vertu d'un accord entre l'Union africaine et le Sénégal.
Son procès, le premier au monde dans lequel un ancien chef d'État est traduit devant une juridiction d'un autre pays pour violations présumées des droits de l'Homme, s'ouvre le 20 juillet 2015.
Le 30 mai 2016, il est condamné à la prison à perpétuité pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, tortures et viols.
N.R.M