Le patron de presse doit débourser environ 130 000 euros, le triple de la somme requise lors d’une précédente audience, parce que les membres du gouvernement estiment qu’ils ont été diffamés.
Taoufik Bouachrine, incarcéré dans son pays dans le cadre de plusieurs autres affaires, doit verser 1 400 000 dirhams contre initialement 450 000 dirhams (environ 40 000 euros), selon une décision rendue au courant de cette semaine, par la chambre d’appel du tribunal de première instance de Casablanca, a précisé Me Moulay el Hassan Elalaoui, son avocat.
Poursuivi dans plusieurs autres affaires
C’est depuis 2015 que le journaliste est poursuivi parce que dans l’un des articles paru dans son journal, il a accusé les ministres de l’Agriculture et de la Pêche, Aziz Akhannouch, et de l’Economie et des Finances, Mohamed Bousaïd , ( le dernier a été limogé en août dernier), d’avoir modifié un article de la loi des finances 2016 permettant à Aziz Akhannouch de prendre le contrôle du Fonds de développement rural, aux dépens du chef de gouvernement de l’époque, Abdelilah Benkirane.
Directeur du quotidien indépendant Akhbar al-Yaoum, Taoufik Bouachrine a par ailleurs été condamné en novembre 2018 à 12 ans de prison pour des violences sexuelles qu’il a toujours niées. Il doit verser à huit victimes des indemnisations allant de 9 000 à 46 000 euros.
« Faire taire à jamais Akhbar al-Yaoum »
Pour Younes Maskine, qui remplace Taoufik Bouachrine à la tête du journal depuis son arrestation en février, cette nouvelle décision de la justice est « une étape supplémentaire dans le processus visant à faire taire à jamais Akhbar al-Yaoum ». Connu pour son ton critique, Taoufik Bouachrine a tout nié et dénoncé un « procès politique ». Les avocats de la partie civile ont de leur coté parlé d’une « politisation » de ce procès mouvementé ayant divisé l’opinion marocaine. Le journaliste est également poursuivi entre autres pour publication de fausses informations.
Dans un Maroc qui se déclare en transition, le respect le plus élémentaire de la part du pouvoir, selon certains hommes de média exerçant dans ce pays, devrait être, à l’égard de la presse, la reconnaissance de sa liberté d’expression, sans l’épée de Damoclès d’une censure insidieuse et menaçante. Le changement, la réforme et l’ouverture démocratique ne seront crédibles qu’avec la reconnaissance de la liberté d’expression et la séparation effective entre pouvoirs exécutif et judiciaire.
Quelques rares journaux-phares survivent, se battant au mieux de leurs faibles moyens pour conserver leur indépendance face à un pouvoir que les patrons de presse trouvent cynique ; des annonceurs timorés, des investisseurs échaudés, un lectorat désabusé et de plus en plus réduit.
Parmi les jeunes pionniers des années 2000, beaucoup ont jeté l’éponge et quitté le pays, laissant derrière eux un paysage médiatique de plus en plus atone selon Reporter sans Frontières, certains ont cherché à se reconvertir dans la presse en ligne mais avec un succès relatif car quel que soit son support, le journalisme de qualité aura toujours besoin d’argent », explique l’ancien fondateur de TelQuel, Ahmed Réda Benchemsi.
Nicole Ricci Minyem