Dans une lettre qui sera remise ce mardi à la ministre de la Santé Agnes Buzyn et que nos confrères de « 20 Minutes » ont pu lire, des centaines de chefs de service hospitaliers français annoncent leur « décision inédite et difficile de démissionner collectivement de leurs fonctions ou mandats » ce mardi. Tous dénoncent des conditions de travail « détériorées ».
Le plan d’urgence pour sauver l’hôpital public annoncé par la ministre en novembre dernier, à leurs yeux bien insuffisant au regard des besoins : « C’est trop peu, trop partiel, trop étalé dans le temps », dénonce ce courrier, rédigé à l’initiative du collectif Inter-Hôpitaux.
Après avoir défilé dans la rue, les chefs de service de plusieurs hôpitaux français ont donc décidé, en guise de cri de colère, de faire la grève de la paperasse : « A titre personnel, je ne pense pas que la grève, qui reviendrait à pénaliser une fois de plus les usagers, serait opportune », justifie François Luneau, responsable du service gynécologie obstétrique à l’hôpital d’Avignon, qui participe à ce mouvement. L’accès aux soins hospitaliers est assez compliqué comme ça.
Sous-effectif récurrent
Selon ce praticien, les conditions de travail dans son service ne sont plus tenables : « Dans notre service, il existe un sous-effectif récurrent qui nous contraint à recruter à un prix exorbitant des médecins remplaçants. Le problème est bien connu depuis des années, mais rien ne bouge…».
Une situation complexe commune à plusieurs hôpitaux français, à en croire Jean-Luc Jouve, chef du service d’orthopédie pédiatrique à La Timone, à Marseille : « L’état des hôpitaux publics français s’est dégradé de manière importante ces vingt dernières années, quel que soit le gouvernement en place. Dans mon service, trois infirmières sont absentes suite à une grossesse. Et elles ne sont pas remplacées, puisqu’on me dit que mon effectif est complet… sur le papier. Actuellement, nous avons quatre lits qui ne sont pas occupés par manque de personnel, sur un total de 18… ».
Les médecins débordés
Selon Jean-Luc Jouve, « on se retrouve avec une direction générale qui est une direction de comptables, avec des gens qui disent que l’objectif est d’être à l’équilibre financier, quitte à fermer des lits. Actuellement, les médecins n’arrivent plus à suivre. On est obligé d’annuler des interventions chirurgicales complexes par manque d’anesthésistes…».
Et de regretter : « nous sommes aussi face à un problème d’entretien des locaux. Les gens viennent s'y faire opérer de la France entière dans notre service, qui est classé premier dans le classement du Point, mais venez voir l’état des chambres. Le service n’a pas été modifié depuis trente ans. Il n’est pas aux normes incendie, comme toute la Timone… ».
De telles conditions de travail créent de plus une crise des vocations qui vient un peu plus assombrir l’avenir de l’hôpital public selon ces médecins en colère. « Cela fait 20 ans que je travaille à l’hôpital d’Avignon. A l’époque, quand j’ai trouvé ce poste, c’était la voie royale. Aujourd’hui, les gens ne veulent plus travailler à l’hôpital. Compte tenu des salaires, des suppressions de postes, ils veulent partir. J’ai vu des gens pleurer dans leurs services. Dans le mien, on est cinq sur les six médecins à avoir plus de 55 ans. Et quand ces gens partiront, on ne pourra pas les remplacer. Il n’y a personne derrière qui veut prendre la relève… », confie Philippe Masson, chef de service néonatologie.
N.R.M