Officiellement fermé, le port fluvial de Garoua qui faisait la fierté du Nord-Cameroun est devenu la chasse gardée de quelques individus qui ont formé un lobby pour sa gestion et y gagnent des centaines de millions au détriment de l’État.Ce qui attire un visiteur lorsqu’il débarque pour la première fois à Garoua est sans doute le pont sur la Bénoué et le fleuve qui porte le même nom –un fleuve desséché de deux tiers par le climat, selon les spécialistes–. Non loin de ce pont, de nombreux bâtiments construits à l’époque coloniale se font aussi remarquer. C’est bien là que se trouve le fameux port fluvial.
Une bonne partie de ces bâtiments est fermée tandis que d’autres servent d’entrepôts aux nombreuses organisations et sociétés de la place. Le quai où stationnaient les navires est encore visible et a même servi lors des récentes inondations de 2012. Le port fluvial de Garoua, dont parlent tous les livres de géographie du Cameroun et très actif autrefois, a perdu de sa substance. Il n’est malheureusement pas encore «mort», comme l’annonce des discours suspects.
C’est le cas du délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Garoua. Ahmadou El Hadj Bouba, devant le ministre des Transports le 17 décembre 2012, a clairement laissé entendre que les activités du port fluvial de Garoua étaient aux arrêts. Au même moment, une pirogue à moteur venue du Nigeria déchargeait des tonnes de marchandises.
Comment comprendre que les activités au port de Garoua sont aux arrêts depuis des années alors qu’une pirogue est chargée sous nos yeux ? C’est la réponse à cette interrogation qui nous a guidés. L’enquête a duré des mois. Interrogées, des sources ont révélé les «manigances» qui se déroulent au port, devenu depuis la chasse gardée de quelques autorités de la ville de Garoua. Certes, les activités ne sont plus à leur niveau florissant, mais les activités du port fluvial ne sont en aucun cas aux arrêts.
«Ce port a encore la possibilité de renflouer les caisses de l’État pour le bonheur de tous si et seulement si le gouvernement décide de lui donner un nouveau souffle en vidant ses profondeurs de sable et surtout en permettant à l’État et non à un particulier comme c’est le cas en ce moment, de le gérer tout seul», suggère une source.Business à plein tempsChaque semaine en effet, de nombreuses pirogues, 4 voire 5, déchargent du carburant, des cartons de bonbons, de biscuits ou encore des chaussures venus du Nigeria. Tout comme du riz, des huiles et bien d’autres denrées prennent la voie fluviale pour rallier Yola au Nigeria.
Le gouvernement camerounais entend bien réhabiliter le port fluvial de Garoua. Deux avis à manifestation d’intérêt ont été lancés en 2015 à travers le ministère des Travaux publics, afin de sélectionner les cabinets qui réaliseront les études préalables à ce projet. Le premier concerne la restauration de la voie navigable sur la Benoué, entre Garoua et la frontière avec le Nigéria. Le second vise les études techniques pour la réhabilitation et la modernisation du Port fluvial.
Dans le détail, il sera question pour le (s) cabinet(s) sélectionné(s) de fournir des données sur la situation physique actuelle du Port de Garoua (état technique des équipements, délimitation du périmètre domanial, situation hydrologique, topographique, hydraulique et géotechnique du site, etc.), les paramètres de navigabilité ou encore l’organisation de la structure. Des études économiques sont également prévues dans le cadre de ces consultations sur la base desquelles, de premières propositions seront formulées pour un schéma directeur de l’aménagement et de la modernisation du Port de Garoua.
Selon le délégué régional des Travaux publics du Nord, Pabame Dang, il s’agit d’un projet intégrateur sous-régional qui rentre dans le cadre plus global de la Commission du Bassin du Lac Tchad pour une gestion plus optimale de la Benoué, puisque dans le même temps, un autre marché d’étude a été lancé, cette fois à Lagdo, en vue du désensablement du bassin du barrage.