Tourmentée par la diffusion de vidéos montrant des exactions de soldats au front, l’armée camerounaise doit désormais faire face à de nouveaux défis dans la lutte contre la secte islamiste.Mardi dernier, International crisis group (ICG) a publié un rapport sur la guerre que le Cameroun livre contre Boko Haram dans l’Extrême-Nord du pays. En 38 pages, l’Ong révèle que la guerre contre la secte islamiste a baissé en intensité. Les chiffres font état de 80 attaques et enlèvements perpétrés en 2017, et de 90 attentats-suicides planifiés (dont 51 ont été déjoués ou ont échoué).
Des statistiques bien en-dessous de ce qui avait été enregistré au plus fort de la guerre en 2015. Le mouvement jihadiste s’affaiblit et les redditions sont de plus en plus fréquentes. Les militaires estimeraient même que le conflit pourrait s’achever d’ici à 2020.
De nouvelles menaces à l’horizonCependant, la nouvelle de la fin probable du conflit contre Boko Haram augure de nouveaux défis pour l’armée camerounaise et la nation toute entière. Il s’agit principalement de l’avenir des anciens membres de la secte islamiste, et celui des membres des comités de vigilance. Dans son rapport, ICG dresse le portrait de la situation actuelle au nord du pays et indique ce qui devrait être fait afin que cela ne se transforme pas en une menace sérieuse pour la paix au Cameroun.
Des milliers de Camerounais ont, en effet, rejoint Boko Haram entre 2012 et 2016. Certains ont été tués dans des combats, d’autres arrêtés par les forces de sécurité et d’autres encore feraient partie du mouvement jihadiste. Quelques-uns auraient essayé de se rendre, mais ont été rejetés par leurs communautés. Le gouvernement est ouvert sur ces retours, mais il n’existe pas encore de politique claire sur la question. Ce qui soulève la problématique de la prise en charge cohérente de ces individus.
« La définition d’une politique de retour claire pourrait pousser d’autres membres à se rendre et fragiliser davantage Boko Haram», indique ICG. Son absence risquerait, en revanche, de provoquer des frustrations parmi les combattants encore en activité et de les conforter dans l’idée que seul le mouvement est en mesure d’assurer leur protection.
La désintégration des comités de vigilanceLes comités de vigilance compteraient à ce jour près de 14 000 membres dans la région de l’Extrême-Nord. Ils jouent un rôle essentiel dans la lutte contre Boko Haram en renseignant les forces de défense et en servant d’éclaireurs ou de guides, en affrontant parfois directement des membres de Boko Haram et en protégeant les communautés contre les attentats-suicides. Mais avec la fin du conflit, la reconversion des membres de ces comités est plus que jamais nécessaire. Car, pour les besoins de la cause, lesdits comités avaient recruté parmi les anciens voleurs de bétail, contrebandiers ou coupeurs de route, et ils pourraient retourner à leurs activités si une politique de réinsertion n’est pas mise en place.
Aussi, International crisis group propose d’intégrer certains de ces membres au sein des forces de l’ordre, ou de les transformer en auxiliaire de sécurité, notamment dans les villages. Le gouvernement pourrait également élaborer des projets visant à réinsérer économiquement les membres des comités démobilisés ou auto-dissous, soit en les aidant à trouver du travail dans des secteurs porteurs au niveau local, soit en finançant leurs micro-projets dans des secteurs tels que le commerce et l’agriculture.
Ni l’armée camerounaise, ni le gouvernement n’ont réagi à la sortie de ce nouveau rapport de International crisis group comme cela a souvent été observé.