Un Appel à contributions argumentaire pluridisciplinaires pour un ouvrage collectif
Depuis le début des années 1990, la presse privée a pris une place très importante dans la vie publique voir même privée au Cameroun. D'abord par la presse écrite, les médias privés ont progressivement pris une part non négligeable, pour dire le moins dans la société camerounaise au point de remettre en question le professionnalisme et l’objectivité des médias d’Etat (Crtv radio et télé, Cameroon Tribune). Ainsi, après la presse écrite, la radio, la télé et le web sont devenus les maîtres qui tentent de structurer au quotidien la société camerounaise.
La démocratie camerounaise tant convoquée par les régimes Ahidjo et Biya s’est donc depuis bientôt trois décennies mise à l’épreuve de cette presse. Taxée de quatrième pouvoir, la presse au Cameroun est pourtant dans une situation très ambiguë. Si des villes comme Douala, Yaoundé, Buea, Bamenda, Bertoua, Bafoussam sont extrêmement structurées par l’action de cette presse, il reste que certaines parties du Cameroun, le grand nord par exemple sont faiblement influencées par l’action de cette presse camerounaise. A l’Extrême-Nord par exemple, l’une des régions les plus peuplées du Cameroun et actrice clé des élections, surtout présidentielles et législatives, les kiosques à journaux n’existent presque pas. Un seul point dans toute la ville et la région : le point Djabbama ! De plus, les journaux parus au Cameroun n’y sont disponibles que 24h plus tard et un peu plus pour Kousseri. Cependant, l’internet est venu atténuer ce retard. Mais, avec les fuites et les diffusions gratuites des PDF, la presse écrite particulièrement se voit soustraite de potentiels acheteurs.
Dans ce cadre, il n’est pas possible pour la presse camerounaise d’avoir des points de débats sérieux dans cette partie très importante du pays. L’avènement de L’œil du Sahel qui se fait imprimer dans le grand sud n’a pas significativement changé la donne. Aussi peut-on s’interroger sur l’impact de la presse camerounaise dans la construction de la démocratie sur l’ensemble du territoire.
La presse camerounaise est aussi un paradoxe, une architecture qui dégringole ou qui fond comme neige au Soleil. Si l’on prend la presse écrite, les 100 000 tirages par jour des quotidiens comme Le messager, Dikalo, Mutations, Émergence ou la nouvelle expression du début des années 1990 ont violemment diminué en une seule décennie. La répression surtout et la crise économique ensuite sont passées par là. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux et les autres médias privées, la presse écrite est presqu'à l’agonie.
Pour les radios et les télés, la situation n’est non plus rose. Çà et là, on entend des grognes des patrons et des journalistes qui se plaignent les uns d’être faiblement soutenus par l’Etat, les autres d’être très mal payés ou même pas du tout. Ce qui pose le problème de l’indépendance du journaliste dans de telles conditions.
On assiste alors pour la plupart de temps à un journalisme à gage, à un journaliste de mendiant que les hommes politiques et autres pontes de la vie publique affectionnent. Le journaliste, donc la presse est tenue en laisse. Ce qui permet de manipuler l’information à volonté par les uns et de faire du chantage pour les autres. Derrière l’indigence très prononcée du journaliste se cache aussi la question de la formation. Jusqu'ici, un flou très sérieux existe sur la délivrance du statut de journaliste. Ce qui accentue les problèmes de dépendance de la presse.
La presse camerounaise c’est aussi les démêlés avec la justice et le pouvoir. De nombreux journalistes ont souvent été emprisonnés pour des raisons pas toujours clairement élucidées. D'autres comme Bibi Ngota ont trouvé la mort en prison. Ainsi s’élève constamment la question de dépénalisation des délits de presse. Ici encore, la formation du journaliste apparaît comme la règle d’or car un journaliste bien formé réduit les risques de « désinformation», de « diffamation » qui sont souvent reprochés aux journaux. D'un autre côté, le métier de journaliste reste particulièrement sensible. Il ne peut travailler sans source et il ne peut et ne doit le cas échéant jamais divulguer sa source. Or, les délits pour lesquels ils sont souvent confrontés tiennent de cette dichotomie. Le pouvoir, quand il veut, peut alors abattre toute sa froideur sur le journaliste incriminé. Tout ceci hypothèque finalement le rôle de quatrième pouvoir qu’on lui reconnait un peu partout ailleurs.
Bossis Ebo'o