Tous les sujets ou presque divisent les deux prélats. L'assassinat de Mgr Benoît Balla, la présidentielle d'octobre dernier, c'est le désaccord permanent entre les deux hommes d'eglise.
Depuis son accession à la présidence de la Conférence Nationale Episcopale du Cameroun, l'archevêque de Douala s'est illustré par une franchise digne de son mentor le Cardinal Christian Tumi. La dernière en date est celle du 23 octobre. Le lendemain de la proclamation des résultats par le Conseil Constitutionnel. A l'occasion d'une conférence de presse, Samuel Kleda a exprimé ses réservés quant au déroulement de l'élection présidentielle. En effet, l'archevêque s'étonne que les populations de l'Extrême Nord, qui vivent dans la pauvreté et la misère, ont pu voter Paul Biya à plus de 89%. De l'autoflagellation en somme. Par ailleurs, Samuel Kleda ne comprend pas comment les populations du Nord Ouest et du Sud Ouest ont fait pour choisir le candidat sortant. Le Nord Ouest et le Sud Ouest SDF qui dont devenus des régions phantommes. Le prélat exhorte que le pouvoir en place prenne en compte les revendications du candidat malheureux Maurice Kamto. Rappelons que la Conférence Nationale Épiscopale, à travers sa commission Justice et Paix, a déployé 231 observateurs pour l'élection présidentielle.
Des positions qui transigent avec celles tenues quelques jours après par son homologue de Yaoundé. Mgr Jean Mbarga rame à contre courant des positions de Samuel Kleda. L'archevêque de Yaoundé a reconnu la victoire du candidat Paul Biya. Dans une adresse à la presse, il balai du revers de la main les réservés portées sur le scrutin par le Présidente de la Conférence Nationale Épiscopale. Pour Jean Mbarga, l'élection présidentielle s'est déroulée sans anicroches. Les camerounais ont librement exprimés leur choix et celui ci s'est arrêté sur Paul Biya. Par ailleurs, le contentieux devant le Conseil Constitutionnel a permis de démontrer la transparence du processus électoral. D'après le patron de l'archevêché de Yaoundé, tous les débats sont clos, Paul Biya est Président de la République du Cameroun.
Ce n'est pas la première fois que les deux hommes ont des points de vue divergent. L'on se souvient de la tragédie de Monseigneur Jean-Marie Benoît Balla (l'évêque de Bafia retrouvé mort dans les eaux de la sanaga). Le chassé croisé entre le Président de la Conférence Nationale Épiscopale du Cameroun et l'archevêque de Yaoundé. Alors que le premier avait clairement affirmé que l'évêque avait été assassiné, pour le second, Mgr Mballa s'était juste noyé. De tout temps Mgr Mbarga a toujours corroboré la version officielle telle que diffusée par le gouvernement. Par contre, Samuel Kleda pousse toujours le bouchon plus loin, cherchant à découvrir la vérité. Son franc parler fait de lui la voix la plus écoutée par l'opinion publique.
Pourquoi cette opposition constante entre les deux hommes. L'église poursuivrai-t-elle des intérêts differents? Comment comprendre que deux prélats de cette dimension soient sur chaque sujet en rapport avec la direction de la société, soient aussi divergent ? Difficile désormais de se faire une idée précise de la position de l'église catholique sur les sujets majeurs de la société. Le sentiment qui se dégage est que Jean Mbarga est à la solde du gouvernement de Yaoundé. Les membres de ce gouvernement étant ses fidèles directs.
Toujours est-il que pour les camerounais, le Cardinal Christian Tumi a son successeur. Et ils sont certains qu'avec Kleda il n'y aura jamais de langue de bois dans le traitement des sujets qui touchent au quotidien des citoyens.
Stéphane Nzesseu