Le leader du Pcrn s’est appesanti sur la ratification de l’accord sur la conservation des gorilles et de leurs habitats, adopté le 26 octobre 2007 à Paris.
« L’Accord Gorilla dont nous devons autoriser la ratification aujourd’hui, est un texte qui, autant ou plus que d’autres, permet de saisir le relief des paradoxes du Gouvernement. Et le Ministère des questions de forêts et de faune est, en matière de paradoxes, un incroyable sujet d’étude.
Dussé-je rappeler chers collègues, que lorsqu’on parle de faune et de forêt dans notre pays, on touche là des domaines qui charrient les problèmes vitaux pour les camerounais, ce peuple qui nous a envoyé ici et qui, sur ces questions, fonde en nous des espérances qui ne distinguent pas les cloisons de nos chapelles politiques.
Commençons par les gorilles. C’est vrai qu’il n’est jamais trop tard comme le dit l’adage. Mais sur des espèces sujettes à épuisement, menacées de disparition et sources de revenus pour l’Etat, on se demandera toujours, et c’est ma première question, pourquoi il a fallu attendre 13 ans pour adhérer à cet accord.
Cette question révèle toute sa pertinence quand on sait que cet accord, par les opportunités de financement, d’assistance technique, de formation et d’entraide qu’il offre, aurait renforcé avec la lutte contre le braconnage, aurait renforcé la protection des populations souvent désemparées devant la divagation de ces fauves protégés catégorie A.
Chers collègues, je suis loin d’être nihiliste, croyez-moi la situation est grave. Souvenez-vous, nous avons tous été frappés d’effroi il y a 1 an pratiquement jour pour jour, en apprenant que 2 lions dans un premier temps, puis 4 lions dans un second temps, étaient en divagation dans le Mbam et Kim, on n’était pas loin d’un drame à yoko, Ngambè Tikar et Ntui.
Même pour connaitre le nombre exact de lions en divagation, il a fallu faire venir à grands frais un allemand. On découvrait alors que le Cameroun ne disposait même pas de pisteur…C’est un métier attitré dans le domaine.
Et c’est le lieu de vous demander monsieur le Ministre: où en est-on avec cette affaire ? Je veux surtout savoir ce qui est fait pour que ça n’arrive plus. Surtout que cette situation met au gout du jour la question des limites entre l’habitat des espèces protégées et l’habitat des hommes.
C’est pour cela que l’Accord Gorilla dont nous parlons, insiste sur la protection de l’habitat des espèces protégées. Et ceci me permet d’embrayer sur une actualité brulante celle de la forêt d’Ebo, mitoyenne à la Sanaga Maritime, au Nkam et au Mbam.
Le média français France 24 a révélé le 5 juin 2020 la mobilisation internationale contre la volonté de transformation de cette forêt vaste de 65 000 ha, non pas en aire protégée, ce qui aurait pourtant été logique puisque les gorilles dont nous parlons de protection y vivent en masse, mais plutôt en UFA (Unité Forestière d’Aménagement) pour qu’ait lieu un nouveau massacre forestier et faunique. Il faut préciser que cette forêt était en attente de classement et objet de tensions avec les riverains.
Alors Monsieur le Ministre, expliquez-nous ce paradoxe. Comment voulez-vous qu’on vous autorise à ratifier un traité de protection du gorille et de son habitat alors qu’au même moment, vous nous informez de l’intention de détruire l’habitat du gorille en délivrant des titres d’exploitation dont on sait bien pour des raisons évoquées et d’autres, qu’ils sont sujets à anarchies et dérives ?
En vous posant cette question je m’interroge certes sur les mobiles de ce choix ponctuel, mais davantage encore sur une option claire de gouvernance de votre Ministère. Le poste forestier de Yingui, arrondissement concerné par la forêt d’EBO, est, pour faire dans l’euphémisme, loin des standards en la matière. Il en est ainsi d’ailleurs de l’essentiel des postes forestiers et fauniques.
La richesse des forêts n’est perceptible que dans le train de vie de certains hauts fonctionnaires de votre Ministère et dans celui des exploitants forestiers. Non seulement les intérêts des populations riveraines sont méprisés par des exploitants tout permis, même ceux qui sont chargés de veiller au respect scrupuleux des règles qui gouvernent les certificats de vente de coupe ou l’exploitation des UFA, ceux qui sont chargés de lutter contre le braconnage, sont envoyés en pâture dans l’arrière-pays.
Vêtus de tuniques vertes ou kaki selon l’occasion et réduits pour certains à tendre des embuscades aux chasseurs et autres trafiquants sur les axes routiers. Je sais que ce n’est pas rien.
Mais dites-moi Monsieur le Ministre ce qui explique que les forêts et la faune sont 3ème contributeur dans le budget de l’Etat hors pétrole et que votre enveloppe budgétaire soit 25ème et votre administration aussi indigente ? Je peux illustrer. Votre budget est de 17 milliards. Mais au 30 mai 2020, la forêt et la faune ont produit 13 milliards de recette.
Pourquoi le Gouvernement fait-il le choix manifeste depuis des années, de vampiriser la ressource naturelle forestière et faunique en se contentant comme sangsue de la vendre, sans investir dans sa protection et sa régénération pour les générations futures ? Etes-vous bien conscients de cette méchanceté entretenue au milieu des dépenses somptuaires bien connues de l’Etat ?
Tout porte à croire que les Ministres de forêts qui se succèdent, sont choisis parce qu’ils sont passifs. Monsieur le Ministre réveillez-vous et faites la différence. Vous avez 2 avions pour surveiller les forêts, des ULM (Ultra légers motorisés) ça s’appelle.
L’Armée les a caporalisés, vous ne faites rien. Le fonds d’affectation spéciale au développement forestier créée depuis 1996 n’a jamais reçu l’essentiel de ses contributions. Même la seule subvention qui restait, a été supprimée par un autre de vos collègues, vous ne faites rien. Qu’est devenu le plan d’action nationale pour l’ivoire ? Rien. Le trafic de l’ivoire continue. Les trafiquants parfois connus.
Monsieur le Ministre, même devant le juge quand vous essayez quelque chose, on ne sent pas votre autorité. Le Parti que je dirige suit cette affaire pendante devant la Cour d’appel de Douala. Parce que vous avez fait appel et c’est à votre honneur.
Il s’agit d’une affaire de trafic de 5000 tonnes d’écailles de pangolin, une espèce protégée de catégorie A, comme le gorille. Vous avez demandé 1 milliard 300 millions de dommages-intérêts, le juge d’instance ne vous a accordé que 220 millions. Ce qui est ridicule. Imaginons seulement le nombre de pangolins tués pour faire 5000 tonnes d’écailles… Si la justice n’était pas indépendante, je vous aurais suggéré d’interpeller votre collègue Garde des sceaux…
Monsieur le Ministre, la loi des forets de 1994 donnait 5 ans pour que cesse l’exportation du bois non équarri. Une ordonnance de 1999 a ajouté 5 ans de plus. Ce délai est échu en 2014. Depuis cette date le Cameroun exporte encore plus de 800 000 m3 de bois en grumes par an. Vous vous contentez des 12,5% mensuels de la surtaxe à l’exportation. Et vous ne faites rien et vous fermez les yeux sur le manque à gagner.
Monsieur le Ministre, Vous ne pouvez pas tout faire tout seul. Sauf que le Pca de l’Anafor qui est un EPA sous votre tutelle est aussi le Dg de la Sodepa. Il doit être plus occupé de l’autre côté et ce n’est pas vous qui nommez. Si ça se trouve, permissif comme vous l’êtes, on ne demande même pas votre avis. Mais de grâce, pouvez-vous promettre à la représentation nationale ici, que vous allez quand même bouger ? Que vous allez un peu changer ?
En tout cas nous l’espérons vivement. De toutes façons chers collègues le PCRN déposera bientôt sur la table de la Conférence des Présidents une proposition de loi révisant celle de 1994 pour mieux protéger nos ressources et que prenne fin le massacre ».
N.R.M