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Pour Jean Michel Nintcheu, « la réforme consensuelle du système électoral est la panacée »

jeudi, 04 juin 2020 11:11 N.R.M

Tel est le point de vue du député du Social Democratic Front par rapport au débat autour de la démarche à suivre afin d’arriver à une alternance au Cameroun.

 

« Depuis un certain temps, un débat est né sur le choix à faire entre la réforme consensuelle du système électoral et les inscriptions sur les listes électorales.

Dans un pays démocratique, un tel débat n'aurait jamais eu lieu compte tenu de ce que ces deux piliers mis ensemble constituent le socle de tout processus électoral crédible. Malheureusement au Cameroun, près d'une trentaine d'années après le retour au multipartisme, on en est encore à discuter sur ces fondamentaux en matière électorale.

S'il m'était donné de choisir la priorité entre les deux options, je choisirais sans aucun doute la réforme consensuelle du système électoral. Pour faire simple, pour avoir été un acteur direct des élections depuis plus d'une trentaine d'années, ce qui gangrène les élections dans notre pays réside plus dans l'absence d'un système électoral consensuel que dans l'inscription des électeurs sur les listes électorales.

Le système électoral consensuel, c'est la panacée.

Même avec le nombre d'inscrits actuels, M. BIYA ne peut gagner aucune élection au Cameroun si le système électoral n'est pas taillé à sa mesure. Encore moins le parti-État dans les différentes élections législatives et municipales.

Avec un code électoral crédible et consensuel, M. BIYA et son parti-État seront battus à plate couture et à toutes les élections
Il est constant que le nombre d'abstentionnistes a toujours été supérieur au nombre de votants.

Ces abstentions se recrutent plus du côté de l'opposition que de celui du Rdpc qui fait toujours le plein de ses voix avec évidemment des méthodes connues telles que la corruption, le chantage et l'enrôlement le plus souvent forcé des fonctionnaires et agents de l'État ainsi que des forces de défense et de sécurité…

La véritable question est celle de s'interroger sur les fondements de ce fort taux d'abstention. Pourquoi ces abstentionnistes qui, faut-il le rappeler avec force sont allés volontairement s'inscrire, refusent d'aller accomplir leur devoir de vote et d'y veiller pour qu'il soit pris en compte? La réponse est simple à savoir qu'ils ne croient plus en réalité au processus électoral.

Qu'est-ce qui peut justifier que la masse critique électorale ne soit pas encore atteinte alors que pratiquement tout le monde s'accorde à dire que le long règne sans partage de M. BIYA est désastreux et calamiteux sur pratiquement tous les plans? Il y a un problème sérieux dans la conscience collective des abstentionnistes. Du moins du côté de ceux qui veulent mettre un terme à ces décennies de mal gouvernance.

De mon point de vue, ce qui explique sans toutefois justifier cette apathie de la majorité des camerounais pour la chose électorale est l'absence d'un système électoral juste et crédible. C'est quand on parviendra à imposer un code électoral crédible et consensuel que le corps électoral retrouvera la confiance et la masse critique d'électeurs sera atteinte.

Seul ce déclic pourra rétablir et doper par la suite la confiance des électeurs. Confiance pour se mobiliser en masse pour aller s'inscrire individuellement. Confiance pour aller inscrire ceux qui ne sont pas encore inscrits. Confiance pour aller retirer les cartes électorales de ceux qui par défiance ne l'ont pas encore fait jusqu'ici.

Tant que cette confiance n'est pas revenue, il y aura toujours la défiance des potentiels électeurs. Ceux-ci ne se sentiront pas du tout concernés par les élections. Ils se diront toujours que quoiqu'ils fassent, leur vote sera détourné.

L'opposition notamment le SDF et la société civile ont engagé des combats périlleux pour l'amélioration du système électoral. Dans les institutions tout comme dans la rue.

L'institution des urnes transparentes, la refonte des listes électorales, le combat pour la mise sur pied d'une commission électorale nationale indépendante qui est toujours d'actualité ainsi que l'institution de la biométrie quoiqu'elle ne soit pas intégrale dans le processus électoral sont des éléments consubstantiels de la bataille contre le système que nous avons acquis.

Prenons le cas de l'organe en charge des élections. On est passé de l'administration territoriale à Onel 1 puis Onel 2 et Elecam. À chaque changement de dénomination, on est allé de mal en pire. Depuis sa création, Elecam a toujours été une excroissance du bureau politique et du comité central du parti-État, remettant ainsi fondamentalement en cause sa neutralité et son impartialité.

Plus encore, le caractère inamovible des membres d'Elecam pour lutter contre les intimidations diverses et les menaces permanentes ainsi que l'autonomie financière de cet organe relèvent encore d'une chimère. Pour l'oligarchie régnante, il faut à tout prix «tenir » cette institution ainsi que les membres qui la composent.

Prenons également les commissions départementales de supervision.

Ces commissions sont présidées par des magistrats des tribunaux de grande instance pour justement tromper l'opinion publique nationale et internationale sur leur caractère impartial. En réalité la tactique de Yaoundé est simple.

Dans les zones électoralement sensibles, on nomme les magistrats dont les accointances avec le pouvoir de Yaoundé sautent aux yeux et dans des zones électoralement acquises donc pratiquement sans risque pour le parti-État, on saupoudre avec des magistrats appartenant à d'autres ethnies.

Cette méthode est connue. Il suffit de recenser les présidents des différentes commissions départementales de supervision des votes pour s'en apercevoir.

Pourquoi ne pas supprimer ces différentes commissions départementales et instaurer une biométrie intégrale qui permet de transférer les données enregistrées sur les PV des commissions locales de vote directement dans un serveur central logé au siège d'Elecam pour publication des grandes tendances et pourquoi pas des résultats provisoires dans les 24h?

C'est bien possible avec une biométrie intégrale. Bien d'autres aspects du code électoral actuel méritent d'être abrogés, modifiés ou introduites à l'instar du bulletin de vote unique pour parer aux multiples achats de conscience et à la corruption active. Et c'est à cela qu'il faudrait s'atteler en priorité et de façon consensuelle.

Demander uniquement aux camerounais d'aller massivement s'inscrire sur les listes électorales alors que plus de 50% d'inscrits actuels refusent de voter, c'est faire fausse route si l'objectif est la participation massive du vote. C'est de surcroît faire un faux diagnostic pour un mal profond. C'est s'attaquer aux conséquences et non aux causes.

La cause profonde de l'abstention est le système électoral actuel qui n'est pas crédible. Un système électoral crédible et consensuel déclenchera inéluctablement la ruée des camerounais vers l'inscription sur les listes électorales. Nous devons éviter d'avoir une vision angélique de la vie politique au Cameroun.

M. BIYA et le Rdpc ne peuvent aucunement gagner une élection crédible et transparente. Même pas dans le moindre coin du pays. Leur ADN politique c'est la fraude. Aller aux élections dans les conditions actuelles qui ne garantissent aucunement l'égalité des chances, c'est être pratiquement sûr de perdre.

L'élection majeure approche. Nous devons nous mettre ensemble pour cette bataille. Tous les fronts doivent être mis en branle. La bataille au niveau des institutions et surtout la mobilisation populaire pour un code électoral crédible et consensuel.

Appeler à l'inscription sur les listes électorales sans toutefois exiger en même temps de modifier de manière consensuelle le système électoral actuel, c'est perpétuer et justifier l'habillage légal de la démocrature et surtout être un complice de la dictature reptilienne ».

 

N.R.M

 
 
 
 

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