Dans une tribune libre relayée sur les réseaux sociaux, Saint Eloi Bidoung, cadre du RDPC fait son bilan de 34 ans d’existence du parti au pouvoir. Pour l’homme politique qui a toujours voulu prendre les rênes du RDPC, le bilan de son parti est négatif, tout est parti en flamme durant ce temps. Intégralité de cette chronique publiée sur lebledparle.com.
Paul Biya lors du meeting de campagne présidentielle à Maroua – DR
Rdpc – Ce que je crois : 34 ans de flammes et de fumée
Déjà 34 bougies. 34 flammes allumées pour éclairer, devenues des brasiers ravageurs. La fumée monte. Les pompiers arriveront encore en retard.
Il y a des images et des symboles qu’il vaut mieux ne pas choisir pour se faire identifier. C’est le cas de la flamme ou du feu. Mettez-y votre main, juste un doigt ou tenez mal la torche : vous regretterez d’avoir joué avec. L’image était prémonitoire, lourde de signification dès sa parution, en 1985 à Bamenda. Deux années après qu’une flamme se fût éteinte, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) se choisira une identité et une signification : la flamme ; le feu.
D'autres chantent dans les stades : « Ce soir on vous met le feu !» Le parti des flammes venait de nous donner son programme. Le départ de feu était là. L’incendie était annoncé, dévastateur. Et il l’a été.
Le bilan est lourd en dégâts matériels et en victimes humaines.
Le Fonds de garantie des petites et moyennes entreprises (Fogape), la Société des transports urbains du Cameroun (Sotuc), l’Office national de commercialisation des produits de base (Oncpb), la Mission de développement des cultures vivrières (Mideviv). Le garde-manger est parti en flammes. Le Fonds pour le développement de l’industrie cinématographique (Fodic), où était logé le téléviseur, a été totalement calciné. Carbonisées aussi, la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Regifercam), la Cameroon Airlines (Camair), la Cameroon Shipping Lines (Camship) et la Société camerounaise de tabac (Sct), l’Office national de commercialisation des produits de base (Oncpb), la Societe de distribution du Cameroun (Sodicam), la Banque internationale pour l’Afrique Occidentale (Biao), la Cameroun Bank, le Crédit agricole du Cameroun…
Dans les cendres, on identifie à peine le Fonds national pour le développement rural (Fonader), la Société des sacheries du Cameroun (Ssc) et, dans un amas de ferraille noirci par la fumée, la Cameroon Sugar Compagny (Camsuco) et la Société camerounaise de banque (SCB). Spectacle effroyable, que celui de cet incendie ayant consumé jusqu’à la Société d’aluminium du Cameroun (Alucam), qui garnissait les cuisines et les toitures, la Loterie nationale du Cameroun (Lonacam), l’espace de jeux et la Banque camerounaise de développement (BCD), où était gardé l’argent. Combien d’entreprises parties en fumée ? Le bilan est encore difficile à clôturer à ce jour. Les flammes sont parties trop vite, provoquant un gigantesque brasier qui s’est étendu dans tous les secteurs.
Les flammes n’ont d’ailleurs pas encore été circonscrites, le feu couvant sous la cendre dans plusieurs entreprises d’Etat et autres sociétés du secteur privé.
Quelques biens ont été retirés des flammes, en lambeaux, calcinés en grande partie par la flamme géante. C’est le cas de l’Office national des ports du Cameroun (ONPC), du Laboratoire national de génie civil (Labogénie), de la Société des palmeraies du Cameroun (Socapalm), de la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam). Plus pitoyable encore, la Société nationale des eaux du Cameroun (Snec), fortement endommagée par l’eau des pompiers que par les flammes de l’incendie et la Société nationale d’électricité (Sonel), qui n’a pas pu être sauvée à temps pour cause d’obscurité.
La Société de développement du coton (SODECOTON) a été défigurée par les flammes ; des opérations de chirurgie esthétique ne lui ont jamais redonné son visage d’antan. Les Chantiers navals (Cnic) resteront estropiés à vie, brûlés aux trois-quarts comme la CAMTAINER.
Le feu couve toujours sous les cendres des Cimenteries du Cameroun (Cimencam), partiellement brûlées par la concurrence. C’est le même cas pour la Société des télécommunications du Cameroun (Camtel), qui porte aussi des marques de graves brûlures.
Les dégâts collatéraux de l’incendie
Les victimes de cet incendie, gentiment nommés «ex-employés des sociétés d’Etat liquidées», ont les mains noires de suie et les cœurs en charbon à force de fouiller dans les décombres de l’incendie quelques effets personnels. Se brûlant les doigts ici, les orteils là-bas, ils fouillent dans les cendres, dans une froideur généralisée. Ils pleurent à chaudes larmes depuis de près de 20 ans, devant les décombres de leurs entreprises consumées. Tous leurs espoirs sont partis en fumée, de retrouver leurs pension et arriérés de pension ; leurs soldes et arriérés de solde ; leurs indemnités diverses emportées par les flammes du parti des flammes.
Les pompiers sont encore arrivés en retard. La corruption a déjà ravagé la police, et pas une épaulette n’a été épargnée par les flammes. Le corps judiciaire rôtit sous les flammes de la corruption, des braises ardentes qui ont incinéré la cause des pauvres et des faibles devant l’aloi vicié de la loi camerounaise. La flamme a suivi l’odeur de l’argent, ce combustible qui fait tant de ravages dans la justice camerounaise. La douane, déjà exposée aux courts-circuits, s’est embrasée. Sous le feu de l’action, les douaniers s’enrichissent sans allumer les feux arrière. Certains témoins de l’incendie affirment que les bons chiffres de la douane camerounaise de ces dernières années ne sont qu’un écran de fumée. Derrière, vous n’y verrez que du feu !
Politique de la terre brûlée
Même les bâtiments scolaires ont été atteints par les flammes. Tout a brûlé. L’école primaire gratuite, l’accès non monnayé dans les établissements publics, le respect des tarifs officiels des manuels scolaires ; les frais indus extorqués aux parents et élèves, tous cela est parti en fumée. Les pompiers n’ont pas pu retrouver, dans les décombres, les projets de construction d’écoles et de salles de classe dans plusieurs zones rurales du Cameroun. Du fait du désastre, des centaines d’enfants fréquentent sous les arbres en plein air au nord, au sud, à l’est et à l’ouest. Quelques instituteurs sont des rescapés des flammes de la corruption, à travers des affectations dans un secteur qui a embrasé le primaire, secondaire et le supérieur. Les seuls compartiments épargnés par les flammes sont la corruption et le zèle dans la gestion des fonds publics.
La lutte contre la corruption, quant à elle, est un écran de fumée. Derrière cet écran, c’est le boucan et le roussi. D’ailleurs, le chef d’une cellule ministérielle de lutte contre la corruption enflamme les boîtes de nuit, ces derniers temps à Yaoundé, avec l’argent détourné dans la subvention allouée au fonctionnement de la cellule de lutte contre la corruption dudit ministère. Mais rassurez-vous, il ne lui arrivera rien : il porte un manteau à l’épreuve du feu des flammes ; comme ceux que revêtent les bandits à col blanc du Cameroun. Avec une partie de cet argent, il a corrompu… son ministre. Dans l’incendie, c’est le sauve-qui-peut.
Les flammes de l’amour
Les hommes se sont enflammés de désirs envers leurs semblables ; les femmes brûlent de désir envers leurs semblables. Les flammes de l’amour ont tout brûlé. Il n’y a plus d’hommes pour les femmes ; il n’y a plus de femmes pour les hommes. Les hommes, désolés, entrent en chaleur avec des hommes ; les femmes se mettent au chaud avec les femmes. La flamme a tout rasé, il ne reste que « l’homo sapiens». C’est l’homo sapiens, le franc-maçon, qui construit les carrières et les fortunes sur les décombres de l’incendie provoqué par les flammes. Toutes les victimes des ravages des flammes n’ont pour seul recours que l’homo sapiens pour un emploi, un stage, une bourse d’études, une nomination ou une promotion. Pour vivre comme grand homme, c’est à l’homo sapiens qu’il faut se donner. Au risque de mourir de froid et de famine comme ces milliers d’étudiants formés dans les grandes écoles et les facultés, carbonisés par les flammes sur le marché de l’emploi.
Tous les marchés sont d’ailleurs victimes d’incendies, Mboppi, Congo, Marché B et plusieurs autres du Cameroun ont été plusieurs fois rasés par des flammes. Les pyromanes sont partout avec la camisole de sapeur-pompier. Ils brûlent même des cabinets ministériels. Dans les marches de soutien, on les voit avec des torches rougeoyantes en main. Pyromanes et pompiers en même temps, ils crient «Rdpc oyé !» et le feu se déclenche. La flamme ravage tout, la fumée noire envahit l’économie, la santé publique, l’éducation, l’armée, l’administration publique et autres institutions. On suffoque, on marche sur les cendres. On brûle encerclés par les flammes et la fumée.
Même à l’intérieur du Rdpc, on n’est pas à l’abri des flammes. C’est d’ailleurs l’un des endroits les plus incandescents. C’est comme si vous étiez à un pas d’un grand brasier. On n’exagérera pas la comparaison en pensant au lac de feu, la géhenne où brûlent les pécheurs. C’est le feu en permanence et partout, chaque pécheur se battant comme un beau diable pour brûler les autres pécheurs en croyant pouvoir se mettre au frais. C’est ça le Rdpc ? En tout cas, c’est ça l’enfer. Les militants échauffés et réchauffés diront que le Rdpc n’est pas un enfer. Nous croyons, au vu des dégâts des flammes, que la politique de la terre brûlée est pratiquée dans ce paradis. D’ailleurs les discours, lors des meetings, les motions de soutien et les « appels du peuple », ne sont là que pour nous enfumer l’air. Intoxications politiques par la fumée des flatteries et des mensonges.
Qui nous délivrera de cet enfer ? Combien de temps serons-nous encore dans la flamme et la fumée ? Les pompiers arriveront-ils encore en retard ? Nous brûlons de le savoir. Depuis 34 ans.