Au Cameroun, les familles et proches des condamnés à mort sont rejetés et maltraités par leur entourage, a décrié les associations de la société civile qui plaident pour leur prise en charge psychologique et leur insertion sociale.
Près de 330 condamnés à mort, selon le Réseau des avocats camerounais contre la peine de mort (Racopem) croupissent dans les différentes prisons du Cameroun. Malgré les multiples plaidoyers de la société civile, notamment le Racopem, pour une abolition de la peine de mort, le Cameroun figure toujours parmi les pays du monde qui continuent de prononcer cette sentence. « La peine de mort ne fera pas diminuer le taux de criminalité », a réitéré ces abolitionnistes lors de la Conférence nationale sur l’abolition de la Peine de mort organisé à Douala, le 10 octobre 2019 dans le cadre de la 17e journée mondiale contre la peine de mort.
Malheureusement, déplore t-ils, cette décision judiciaire n’affecte pas seulement les détenus, mais également leurs proches et leurs familles, principalement les enfants. « J’avais 9 ans quand ma mère a été condamnée à mort à Bangangté. Mes frères et moi avons été abandonnés, j’ai été contrainte d’arrêter mes études pour des raisons financières », témoigne Christelle N. Malgré son jeune âgé au moment des faits, la jeune fille a été stigmatisée et rejetée par les siens. Un fardeau qu’elle continue de traîner avec qu’elle au quotidien. « Ceux qui me connaissent me qualifient de fille de criminel », déplore Christelle.
Ce châtiment psychologique, Henriette Beatrice G l’a également vécu depuis que sa mère et certains de ses frères ont écopé de la peine de mort. En plus des railleries sociales, cette mère, tout comme ses enfants, a été abandonnée par son mari. « Nous sommes allés jusqu’à la Cour Suprême sans suite. Nous nous sommes battu pour prouver leur innocence, mais en vain. Mon mari m’a abandonnée, nous sommes rejetés par la société », regrette cette jeune mère.
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A en croire Me Sandrine Dacga, les proches des condamnés à mort et leurs conseils sont les victimes invisibles de cette lourde peine. La stigmatisation, préjugés, rejet, dépression … sont autant de mots qui collent à la peau de ces victimes d’un genre nouveau, dit-elle. « S’agissant des proches des condamnés à mort, notamment leurs progénitures, leur protection et leur réinsertion sociale sont possibles si des dispositions sont prises. Tant la société que le gouvernement ont des devoirs envers ces victimes invisibles. La société devra éviter de verser dans les préjugés, l’exploitation, la maltraitance et le rejet », souligne cette avocate. Le gouvernement quant à lui, dit-elle, doit aménager des cadres d’encadrement de ces victimes et assurer leur scolarité gratuitement et leur accompagnement dans la vie active jusqu’à insertion complète dans la société. Un accompagnement psychologique doit également être aménagé par le gouvernement.
Marie Mgue